187 cabines, un bassin de 42 mètres sur 18 : la piscine Ledru-Rollin, inaugurée le 5 juillet 1897, fut la troisième municipale à être inaugurée à Paris. Destinée à accueillir les scolaires des alentours, elle a disparu moins d’un siècle plus tard. Voici son histoire !

Dans le livre « Je me souviens du 12ème arrondissement » (éd. Parigramme), Claude Couraud écrit  »Je me souviens des ‘caleçons bleus’ et des ‘caleçons rouges’ de la piscine Ledru-Rollin ». Pourtant, en deux clics sur Google, on s’aperçoit vite qu’il n’existe pas de piscine à Ledru-Rollin. En effet, hormis la piscine Roger Le Gall et la piscine Jean Boiteux, il n’y a pas d’autre piscine municipale dans le 12ème.

La piscine Ledru-Rollin, l’une des premières piscines municipales de Paris

Cet édifice sportif a pourtant bel et bien existé, et ce grâce à Paul Christmann, déjà à l’origine de la première piscine parisienne, celle de Château-Landon, dans le 10ème arrondissement. L’entrepreneur du sport explique dans son ouvrage « La Natation et les bains » pourquoi il a ouvert cet établissement qui proposait des bains à moindre coût. Au coeur de son raisonnement, la propreté. Selon lui, le bain par immersion serait plus efficace que le bain par aspersion proposé à l’époque dans les bains-douches : il faut la peau soit en contact prolongé avec l’eau pour que les impuretés puissent s’en décoller.

Quoi de mieux, dès lors, qu’une piscine pour démocratiser l’hygiène dans la capitale ? C’est un lieu où l’on peut se rendre pour se relaxer et faire du sport, tout en se lavant sans même s’en rendre compte. Un argument qui séduit les radicaux, en majorité au sein de la municipalité parisienne après les élections municipales de 1887.

La piscine Ledru-Rollin fut donc l’une des trois premières piscines municipales inaugurées dans les quartiers populaires parisiens dans les années 1890 – les premières étant la piscine Rouvet en 1891, puis la piscine Hébert, toutes deux situées dans le 19ème. Elle est inaugurée le 5 juillet 1987 à l’angle du quai de la Rapée et de l’avenue Ledru-Rollin, par des écoliers : « Flic, flac ! Les voilà qui dans l’eau dégringolent, dans un barbotage glorieux. Comme des grenouilles qu’un passant fait plonger dans une mare au bruit de ses bottes, les écoliers piquent une tête, le cul en l’air”, rapporte ainsi le chroniqueur de “La Presse” dès le lendemain.

La piscine Ledru-Rollin, d’abord gratuite mais pas pour longtemps

Selon l’article « Longueurs à la piscine. Temps aménagés et temps vacants dans les bassins parisiens (années 1880-1930) » de Lucie Nicolas, publié dans la Revue d’histoire culturelle, « le bain y est au départ gratuit, mais le Conseil municipal ne se satisfait pas de cette organisation, jugeant qu’elle conduit à attirer ‘des gens sans aveu qui [éloignent] la population ouvrière honnête’ ». Peu avant le 20ème siècle, l’accès devient payant mais le tarif se veut abordable : ainsi, si vous aviez voulu vous baigner à la piscine Ledru-Rollin en 1897, il vous aurait fallu débourser 20 centimes, « serviette et caleçon compris ». Une affiche publiée au début du siècle nous apprend que l’eau « courante et tempérée » tournait entre 26 et 29 degrés.

Se pose évidemment la question de l’eau : dès 1880, le Conseil municipal avait prévu l’utilisation des eaux de condensation des usines ou des machines élévatoires du quai de Billy, de la Villette et l’usine du pont d’Austerlitz, concédées contre l’ouverture des piscines aux scolaires, aux indigents ou aux troupes de garnison. La piscine Ledru-Rollin est ainsi alimentée par les eaux de l’usine élévatoire de Bercy, où sont installées quatre machines à vapeur.

La piscine Ledru-Rollin, édifice sportif majeur du 12ème aujourd’hui disparu

Le 27 mars 1918 sont publiées dans « L’Action » des photos de la piscine Ledru-Rollin abandonnée, le bassin à sec : « la carcasse abandonnée d’un hangar inachevé », peut-on lire, de même que « Des travaux qui s’aggravent et qu’on n’entreprend pas ». Quelques mois plus tard, le 19 novembre, le même journal annonce la réouverture de la piscine.

Alors qu’une piscine Ledru-Rollin 2.0 avait été rouverte au public à l’été 1931, avec un nouveau bassin plus petit (33,33 mètres sur 12), un article du Monde datant de 1964 rapporte une nouvelle fermeture à cause de « fuites » dues à un « décollement du revêtement ». Pour finir, la piscine Ledru-Rollin fut démolie en 1987 : avec l’usine Élévatrice, détruite à la même occasion, elles furent remplacées par un immeuble de la Direction de l’Action Sociale de l’Enfance et de la Santé (DASES), toujours debout aujourd’hui.

Lire aussi : 

Pourquoi l’hôpital des « 15/20 » s’appelle-t-il ainsi ?

Quelle est l’histoire de la prison Mazas, aujourd’hui disparue, dans le 12ème arrondissement ?

Paris 12ème : 5 choses à savoir sur le ministère de l’Économie et des Finances