Le Douze Pépouze

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Paris : pourquoi beaucoup de manifestations traversent-elles le 12ème ?

Paris : pourquoi beaucoup de manifestations traversent-elles le 12ème ?

Que ce soit contre la réforme des retraites en 2023, contre la loi Travail en 2016 ou après les attentats de janvier 2015, de très nombreuses grandes manifestations ont débuté ou se sont terminées dans le 12ème arrondissement de Paris, autour des places de la Bastille et de la Nation notamment. Mais pourquoi beaucoup de manifestations traversent-elles le 12ème ? Au Douze Pépouze, on a cherché à comprendre.

Quand on demande aux habitant.e.s du 12ème quels sont les éléments caractéristiques de leur vie au sein de l’arrondissement, nombreux sont ceux qui répondent qu’ils ont l’habitude de voir leur rue régulièrement bloquée en raison de manifestations. En effet, il n’est pas rare que des manifestations d’ampleur plus ou moins grande traversent notre 12ème arrondissement, avec comme point de départ, d’arrivée ou de transit les places de la Bastille et de la Nation.

 

Pourquoi beaucoup de manifestations traversent-elles le 12ème ?

Force est de constater que les manifestations parisiennes empruntent souvent les mêmes itinéraires, qui recoupent deux exigences : d’abord, il faut que le trajet soit pratique et comporte de larges axes (avenues, boulevards…) pour accueillir un maximum de manifestants et assurer leur sécurité. Mais on constate aussi qu’au-delà des considérations pratico-pratiques, les trajets sont ponctués de symboles historiques.

En ce sens, les places de la Bastille et de la Nation sont particulièrement symboliques : toutes deux associées notamment la Révolution française, la première sera prise d’assaut le 14 juillet 1789, tandis que la seconde, d’abord érigée en l’honneur du mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche, vit défiler d’innombrables exécutions publiques sous le couperet de la guillotine.

Ces deux places sont également ornées de monuments qui commémorent ce passé : la Colonne de Juillet pour la place de la Bastille, et la statue représentant « Le Triomphe de la République » du sculpteur Jules Dalou sur la place de la Nation.

Les places de la Bastille et de la Nation, épicentres des manifestations parisiennes

Ainsi les places de la Bastille et de la Nation sont-elles, avec la place de la République, des points de rassemblement pour Parisien.ne.s qui souhaitent se réunir et manifester, toutes trois localisées dans l’est de Paris, à proximité des quartiers populaires.

Dans son article intitulé « Vitalité des symboliques républicaines à Paris depuis 2015 », l’historienne Évelyne Cohen explique que « s’est mis progressivement en place dans Paris, de 1840 à 1900, un triangle République-Bastille-Nation entre lesquels se sont déplacées, suivant un ordre variable, jusqu’à nos jours, la plupart des manifestations à signification républicaine, les mouvements revendicatifs, les fêtes et cérémonies rituelles comme celles du 14 juillet. Ceux qui y manifestent s’inscrivent ainsi dans une tradition historique sans pour autant connaître l’origine et les significations successives conférées à ces places monumentales ».

Danielle Tartakowski, maître de conférences d’histoire contemporaine à Paris I, explique quant à elle dans cette interview accordée au journal Libération en 1995 que « la vraie rupture a lieu le 12 février 1934 avec la décision de la CGT et de la SFIO de manifester de la Porte de Vincennes vers la statue de Marianne place de la Nation. Dans cette période-là s’opère l’investissement du triangle Bastille-République-Nation. A partir de la victoire du Front populaire, on assiste à un partage de l’espace tacite. Plutôt l’ouest pour la droite, tandis que la gauche s’approprie le fameux triangle. C’est la naissance du schéma parisien, d’un espace partagé et admis. Au moment de la victoire du Front populaire, il y a un projet pour le 14 Juillet 1936, une tentative d’aller vers l’ouest parisien, sur les Champs-Elysées. Léon Blum demande qu’on y renonce et se fait entendre: on ne va pas rendre partisan un espace qui a une dimension sacrée. Il veut aussi éviter les affrontements droite-gauche ».

Elle ajoute que la configuration des lieux est particulièrement propice : le trajet de République à Nation fait à peine un peu plus de quatre kilomètres, entre le boulevard du Temple et la place de la Nation, en passant par le boulevard Beaumarchais, la place de la Bastille, la rue de Lyon, l’avenue Daumesnil et le boulevard Diderot.

Évelyne Cohen évoque aussi la « valeur républicaine de ces monuments » et rappelle que le 1er mai 2002, les manifestants opposés à la candidature de Le Pen ont suivi un itinéraire République-Bastille-Nation, défilant en chantant tantôt La Marseillaise, tantôt Le Temps des cerises. C’est d’ailleurs entre République et Nation qu’ont défilé entre 1,3 et 1,5 million de personnes le 11 janvier 2015, lors de la « grande marche républicaine » consécutive aux attentats qui avaient meurtri la capitale.

Le 12ème arrondissement, lieu des manifestations de gauche, mais pas que

Interrogé par BFM, le socio-historien Laurent Frajerman, chercheur associé au Centre d’études et de recherche sur les liens sociaux (Cerlis), avance que le trajet allant de la place de la République à celle de la Nation en passant par Bastille est particulièrement prisé à gauche, tout est ajoutant qu’ »il n’y a rien d’inéluctable ».

Ainsi la grande mobilisation dite « de l’école libre » en 1984, lancée par la droite, s’était rassemblée place de la Bastille, tandis que celle visant à défendre l’école publique, un mouvement marqué quant à lui à gauche, avait eu lieu dans le quartier de Montparnasse, coin traditionnellement prisé par les manifestations de la droite.

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